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Imago Dalmatiae. Itinerari di viaggio dal Medioevo al Novecento

Delta della Narenta

“Au coucher du soleil nous débouchions dans une grande plaine couverte de marécages où, dans l’eau tranquille, croissent à profusion joncs et nénufars. C’est la delta de la Narenta. Les montagnes, qui bordent partout ailleurs la côte, se sont ici écartées pour laisser passer la grande rivière qui vient d’Herzégovine. Celle-ci a formé une vaste plaine d’alluvions, tellement fertile qu’on l’a comparée justement au delta du Nil, et qui comme lui est chaque année recouverte par les eaux de la rivière débordée. 

Le delta de la Narenta était jadis un unique et immense marécage. Les hommes ont lutté contre le fleuve, ils ont, par des digues, régularisé ses débordements, ils ont desséché une partie des marais et créé ainsi un territoire artificiel (plus de 12000 hectares de marécages ont été desséchés dans le delta de la Narenta) qui s’étend jusqu’à la mer et où toutes les cultures se développent avec une profusion et une richesse surprenantes. Mais il reste beaucoup à faire pour assécher entièrement le delta. Nous traversons des plus qui s’étendent de part et d’autre de la route, des bouffées d’air pestilentiel nous viennent parfois prendre à la gorge, désagréablement.

Pour faire passer leur route dans ces interminables marais, les Français durent établir une digue de vingt pieds de base, de huit pieds de hauteur et de 22 kilomètres de longueur (Mémoires du maréchal duc de Raguse, t. III, liv. X). […]. La route arrive brusquement au bord de la Narenta, en face de la vieille Tour de Norin, puis faisant un angle droit, elle remonte le cours de la large rivière qui servit un temps de frontière entre les républiques rivales de Venise et de Raguse. Le chemin est juché sur une digue: à droite la Narenta, à gauche le marécage. La rivière, aux eaux toujours sales, coule paresseusement entre ses berges artificielles, elle avance silencieusement dans la grande plaine où tout bruit a cessé à mesure que venait la nuit. Des effluves capiteux et lourds se dégagent de la solitude aquatique alors qu’au ciel, où les étoiles hésitent à s’allumer, de longs nuages violets glissent vers la mer” (pp. 136-138).

“Au ras de l’eau, sur d’étroits canaux qui serpentent à travers marais et champs, à demi cachés par les roseaux, on voit glisser de petits bateaux, des pirogues de sauvages, que des indigènes manœuvrent adroitement avec une pagaie. C’est ainsi que les paysans vont aux champs, emportant au fond de l’esquif léger pioche, bêche ou hoyau; c’est ainsi qu’ils en rapportent leurs récoltes, légumes, fruits, blé ou foin; leurs bateaux, qu’ils munissent alors de ridelles, ressemblent à de véritables charrettes. C'est encore sur ces pirogues qu'ils vont pêcher dans les marais où fourmillent les poissons (la pěche est d'un revenu important pour les Narentins. Les anguilles grasses de la Narenta sont célèbres, ainsi que les écrevisses et surtout les truites saumonées qui atteignent le poids de 20 kilogrammes. Les habitants n'ont que l'embarras du choix pour aller pécher: la Narenta, la mer, les lacs permanents ou temporaires, enfin les marais)" (p. 141).