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Imago Dalmatiae. Itinerari di viaggio dal Medioevo al Novecento

Zara

"Un beau matin nous entrions dans le port de Zara avec vent en poupe et soleil au ciel; nous n'avions pas vu la terre depuis Pola. Una longue côte grisâtre, parsemée de bouquets d'oliviers; dans le fond, une chaîne de montagnes couvertes de neige; plus près, une ville presque entièrement isolée de la terre ferme et entourée de toutes parts de murailles fortifiées, avec quelques clochers allongeant leurs cous par-dessus les toits des maisons: voilà ce que nous aperçùmes d'un premier coup d'œil jeté de notre bord sur la rive dalmate. Nous étions à Zara. On ne se figure pas cette place autrement qu’elle n’est. Des murs, des fossés, des ponts-levis, voilà bien le cadre qu’on imagine à la ville des siéges interminables et des révoltes sans nombre; ces campaniles, ces lions de Saint-Marc sur les portes, au milieu de places pavées de dalles, ces colonnes semblables à celles de la Piazzetta, tel est bien le décor qui convient à la vassale de la grande république, à la résidence habituelle des provéditeurs de Venise. Au surplus, Zara n’a pas une physionomie qui lui soit vraiment propre. La pluspart de ses édifices portent à un degré frappant l’empreinte vénitienne, et au cœur de la cité on pourrait facilement se croire dans quelque quartier voisin du Grand Canal, si les dehors du peuple des rues n’empêchaient toute méprise.

De ce côté, en effet, l’originalité ne laisse pas grend’chose à désirer. Si nos modes d’Europe ont été assez généralement adoptées dans la classe bourgeoise, en revanche elles n’ont point pénétré parmi les classes inférieures. La masse de la population a scrupuleusement gardé ses costumes traditionnels. Aussi, grâce à ce louable esprit de conservation, la Dalmatie est-elle encore aujourd’hui un paradis pour les amateurs de tenues pittoresques. Les quelques districts d’Espagne et de Hollande où le paysan porte encore ses nippes d’autrefois sont loin d’offrir d’aussi riches assortiments d’oripeaux superbes, de culottes mirifiques, de jupons éblouissants. […]. Les étoffes sont presque toutes de tissus très-épais et de couleurs très-voyantes. Et quelles ravissantes collections de colliers, d’épingles de cheveux, de boucles d’oreilles, d’armes de toutes sortes! Il y aurait de quoi en composer tout un musée d’orfévrerie populaire. Nous ne nous lassons pas d’examiner le monde bariolé qui va et vient sur les places et dans les marchés. Les vieilles matrones qui vendent des herbes aux coins des rues, les graves paysans qui arpentent les dalles de long en large ou vident à l’écart une fiasque de marasquin, les jeunes femmes parées errant de boutique en boutique à la recherche d’un objet de ménage ou de toilette, tous, jeunes ou vieux, habitants de la ville ou des erres, ont dans l’accoutrement et dans l’allure quelque chose de caractéristique qui leur donne une haute saveur locale. Rien d’ailleurs chez aux qui rappelle les autres populations méridionales d’Italie, d’Espagne ou de Grèce. Ici l’on se sent tout de suite en présence d’une race à part, dont l’individualité est très-nettement et très-visiblement tranchée” (pp. 39-42).