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Imago Dalmatiae. Itinerari di viaggio dal Medioevo al Novecento

Bocche di Cattaro

“L’archipel dalmate finit peu avant d’arriver à Raguse; au delà, la côte n’est plus abritée par ces îlots protecteurs qui reçoivent le premier choc des vents et des courants. La mer y est presque toujours agitée, et malgré le beau temps notre bateau présentait, pendant ce court trajet, le spectacle peu récréatif qui est de rigueur en pereille circonstance: peu de voyageurs purent se tenir debout pour contempler le paysage qui, du reste, n’avait rien d’attrayant. Ce fut donc avec une vraie jouissance que nous saluâmes l’entrée du canal de Cattaro. Les ci-devants agonisants ressuscitèrent en masse, les uns pour réconforter leur estomac délabré, les autres pour jouir du coup d’œil qui est vraiment superbe.

Les Bouches du Cattaro forment une suite d’entailles colossales dans la montagne; chaque angle du canal varie les contours du paysage sans en changer le caractère. Sur les bords de l’eau, et jusqu’à une certaine hauteur, une riche draperie de verdure couvre la nudité des rochers; le citronnier, le granadier et autres arbres apparaissent autour de maisons, solidement bâties en pierre. L’eau est sillonnée de bateaux pêcheurs; et de tous les côtes une chaîne non interrompue de montagnes dessine autour du tableau un cadre gris et uniforme (p. 22).

Le Bocchese, loin de ressembler au Dalmate en général, est laborieux, hardi et entreprenant; il préfère la vie maritime aux travaux agricoles, qui d’ailleurs sont restreints à la couche de terre végétale qui termine les rapides versants de la montagne. Il se distingue par son attachement au sol natal; après avoir amassé quelque pécule au milieu des hasards d’une vie aventureuse, son plus grand bonheur est de rapporter au village le fruit de son travail; ses enfants à leur tour suivront la même carrière. Chaque ville mène une existence séparée. Les habitants s’allient entre eux, de sorte que presque toutes les familles d’une commune se trouvent unies par des liens de parenté plus ou moins rapprochés. Ce système d’isolement donne pour résultat que chaque petit endroit a conservé les traits caractéristiques de son origine, et l’intervalle d’une lieue suffit pour qu’il y ait un changement marqué dans le costume et les usage. Quoique l’élément serbe prédomine, il est modifié par l’adjonction du sang albanais, italien et espagnol; ces types si divers ont tous laissé quelque chose de leur physionomie. On sait que les Espagnols, dans le cours de leurs guerres maritimes, ont à plusieurs reprises occupé cette partie de la Dalmatie, et il existe un village entièrement colonisé par eux. […]. Les Bocchesi, de même que les Monténégrins, ont un goût prononcé pour les armes et en portent constamment à la ceinture. Le paysan emploie volontiers ses économies à l’acquisition de beaux pistolets ou de couteaux à manche sculpté, et souvent orné de pierreries (p. 23).

Notre bateau fit escale devant plusieurs villes, dont la plus grande est Castel-Nuovo, située près de l’entrée du canal; à l’autre extrémité se trouve Cattaro, capitale de la province. […]. La ville de Cattaro n’a rien de remarquable, mais on peut faire de charmantes promenades en bateau, et les pittoresques villages des Bouches méritent une attention particulière. Notre première excursion fut à Dobrota (p. 22)”.